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Imaginons la matière brute comme bruyante et sans contrôle comme un orchestre tzigane dans un film de Kusturica. Cet orchestre (déguisé en personnages historiques et jouant de la musique avec des fruits de mer et des tours de Pise) est sur le chemin menant à un village. À l’entrée du village, des gendarmes les arrêtent et leur demandent de faire moins de bruit, d’enlever leurs costumes et d’arrêter de jouer du fruit de mer et de la tour de Pise : après tout, est-ce que tout cela à un sens ? C’est ce qui se passe lorsque la matière provenant de l’inconscient passe par la censure avant d’arriver à la conscience. Le moi reconstruit le contenu tordu et ludique à l’aide du contrôle, de l’ordre, de la logique et de la raison.
La communication avec le monde intérieur est d’une importance capitale pour le développement de l’individu créatif en général et pour le processus créatif en particulier. Nombre de créatifs se sentent parfois dominés par leur intellect, ce qui leur empêche de profiter de leur liberté intérieure. Des spécialistes comme Jung (1938) ont mis au point des techniques de déconnexion de la conscience pour que les contenus inconscients puissent se développer. Picasso avait mis au point un système similaire, lui permettant de « vider ses idées ».
Pour faire baisser la garde à son moi censeur et avoir accès à la matière provenant du fond de nos âmes, tout au long de l’histoire récente, beaucoup de créateurs ont mêlé à des degrés plus ou moins élevés leur créativité avec la prise de substances psychoactives (absinthe, opium, cannabis, lsd…). L'Art a toujours été intimement lié à l'usage de drogues. En effet, si l’on comprend les mécanismes de la création, il est très tentant de savoir que l’on peut avoir un accès direct à une matière abondante et diversifiée provenant de l’inconscient. Ces substances stimulent-elles vraiment la créativité ? Quelles sont leurs mécanismes ?
Des principes actifs tels que la psilocybine permet d’endormir le second niveau censeur et de se sentir pur créateur. Barron (1964) le fit auprès de quelques patients qui ont appréciés de pouvoir s’éloigner de leur moi pendant quelques instants. Les travaux de Timothy Leary sur le LSD attestent du même constat. Le LSD, la mescaline, la psilocybine, rendent possible un court et intense changement de conscience et une transcendance du moi.
Ces substances démultiplient la perception de l'information provenant de l'extérieur, via son action sur l'inhibition latente. Les perturbations psychiques induites par ces substances sont proches de la schizophrénie car elles agissent sur les récepteurs de dopamine. Il y a ici un risque pour celui qui serait incapable de gérer l'énorme flux d'information de s'approcher dangereusement de l'état de psychose. Il faut s’instruire sur le sujet pour pouvoir en profiter intelligemment car les premiers effets sans le recul suffisant peuvent être terrifiants. Souvenez-vous que l’imagination n’est pas le rêve mais une recombinaison consciente incluant parfois des images issues des rêves.
Concernant l'héroïne, une étude menée en 1957 para Nat Hentoff a révélé que 50% des musiciens de Jazz à New York avaient déjà testé l'héroïne, dont 16% d'entre eux étaient des consommateurs réguliers. Une autre étude réalisée par Tolson et Cuyjet affirme que ces musiciens consommaient de l'héroïne pour pouvoir profiter de leur créativité, se sentir mieux sur scène et surtout supporter la pression d'une société désapprouvant leur musique.
Ces substances n'aident pas à produire une œuvre, elles permettent seulement de faire apparaître des idées à la conscience, puis de les utiliser dans le travail. L'effet n'est pas automatique et dépend de chaque personne. Les psychostimulants (amphétamines, cocaïne, Deprenyl et ecstasy dans une moindre mesure) maintiennent un niveau élevé de dopamine et rendent les neurones plus excitables.
La dopamine joue un rôle prépondérant dans la créativité. Ce neurotransmetteur (une substance chimique qui permet la transmission de signaux entre les cellules du cerveau, les neurones en liant les récepteurs) est impliqué dans le contrôle des émotions, le plaisir, la curiosité, les mouvements et le contrôle des flux d'information. La dopamine est souvent surnommée "l'hormone de récompense" car elle intervient dans la reconnaissance inconsciente de ce qui pourrait nous mener à une récompense. Elle est donc sécrétée pour nous inciter à répéter une expérience qui a été jugée riche en récompense pour l'organisme.
Des études récentes ont démontré que la goût pour la découverte et l'exploration, l'intrépidité, la curiosité, l'éveil du désir pour de nouvelles expériences (physiologiques mais aussi spirituelles), mais aussi l'élan vers la recherche de nouvelles informations étaient aussi liés à la dopamine.
La sérotonine donnerait donc la force mentale nécessaire pour ne pas être submergé par les pensées schizophréniques. Il est donc clair que ces substances ont un impact sur la créativité. Cependant, un usage répété de ces substances va provoquer une réduction de la sensibilité des récepteurs à la dopamine. La tolérance s'installe et une dose chaque fois plus élevée devient nécessaire pour obtenir les mêmes effets.
Le cannabis va aussi agir sur le niveau de dopamine, mais il va aussi réduire le flux sanguin du cerveau (sensation de lenteur, difficulté à mémoriser ou se souvenir). Comme le LSD, mais plus légèrement, il va permettre à la conscience d'être au plus proche des sens et des perceptions extérieures. Certains musiciens déclarent avoir une perception plus claire des sons après avoir consommé du cannabis...
Le sommeil ou les instants juste après le réveil peuvent aussi faire émerger des pensées qui normalement ne passent pas la frontière de la censure pendant que nous sommes en activité. Lors de l’endormissement, les suggestions de l’esprit sont plus ou moins contrôlées. Mais c’est le rêve qui fournit une matière vraiment digne d’intérêt. Encore faut-il réussir à se souvenir précisément de son contenu…
Selon une étude récente, l'alcool (2 verres de vin) freinerait la pensée rationnelle, relâcherait la pression sur la mémoire de travail (celle qui nous alerte sur notre environnement immédiat) et permettrait à notre cerveau de réaliser des connexions plus profondes.
Une explication neurologique pourrait aussi expliquer le résultat de cette étude. Un processus encore mystérieux pour la science permettrait à l'alcool de libérer de la dopamine et de réduire l'activité de l’enzyme qui détruit la dopamine. Cela s'applique évidemment à de légères doses d'alcool...
Le café ne vous aiderait pas à aller puiser dans vos ressources les plus créatives comme le fera quelques bières. C'est une drogue d’exécution, nombre d'études s'accordent sur le fait que le café permet d’accroître la performance et la qualité de la concentration si votre tache de requiert pas trop de pensée abstraite. En résumé : buvez-le après avoir eu l'idée originale.
MODIODAL (CEPHALON FRANCE) Psychostimulant, narcolepsie / modafinil. Permet de moins dormir la nuit et de ne pas s’assoupir le jour. Le nouveau dopant idéal pour les sportifs de haut niveau et les gros bosseurs. NOOTROPYL (UCB PHARMA) Antivertigineux, psychostimulant et nootrope, déficit cognitif et neurosensoriel du sujet âgé / piracétam. Moins violent que le Modiodal, améliore l’éveil et la concentration. La drogue préférée des internes en médecine et des bachoteurs. OLMIFON (CEPHALON FRANCE) Psychostimulant / adrafinil. Agit sur l’éveil et la vigilance mais a également un effet antidépresseur. Une drogue pour rester concentré, en forme et de bonne humeur. HYDERGINE (NOVARTIS PHARMA) Déficit cognitif et neurosensoriel du sujet âgé / dihydroergotoxine mésilate. Prise juste avant les repas, améliore l’attention et la mémoire. La drogue du travail intellectuel et de l’apprentissage. DEPRENYL (ORION PHARMA) Antiparkinsonien / sélégiline chlorhydrate. Circule entre hémisphères droit et gauche du cerveau, garantit un taux de dopamine optimal dans le cerveau. La drogue des créatifs. RITALINE (NOVARTIS PHARMA) Psychostimulant, narcolepsie / méthylpénidate. Non-amphétaminique mais comparable aux amphés. Un bon « brain booster » pour les malades, une drogue un peu hard pour les personnes saines. CLEREGIL (MERCK MÉDICATION FAMILIALE) Antiasthénique / dérivés du déanol (dimethylaminoethanol). Sans ordonnance, pour lutter contre les états de fatigue nerveuse, d’agitation, de troubles de l’attention. Proche de la drogue que les Américains donnent à leurs enfants « hyperactifs ». SERMION (AVENTIS) Déficit cognitif et neurosensoriel du sujet âgé, vasodilatateur et anti-ischémique / nicergoline. Améliore la circulation sanguine dans le cerveau sans augmenter la tension artérielle ni le rythme cardiaque. La drogue qui ouvre les volets de la neurosensibilité. COGNEX (OTL PHARMA) Maladie d’Alzheimer : anticholinestérasique / tacrine chlorhydrate. Un psychostimulant efficace contre Alzheimer. Prescrit sous contrôle très strict à cause de ses multiples contre-indications. La drogue des vrais malades. COMTAN (NOVARTIS PHARMA) Antiparkinsonien : dopaminergique / entacapone. Même remarque que pour le Cognex mais contre la maladie de Parkinson. Pas franchement recommandé aux cobayes autodésignés en quête d’expériences nouvelles.